Bon, je sais je suis super en retard mon chou, voilà le début de ton cadeau d'anniversaire. J'avoue qu'il est pas encore fini du tout, j'espère que le début te plaira.. et plaira aux autres aussi !
Le cerisier aux fleurs bleues
Le printemps est une saison magnifique. La neige fondue sur les sommets se déverse en torrents guérisseurs sur les plaies de l'hiver, et toute la vie s'écoule à sa suite. Là où le soleil frappe de ses premiers rayons chauds la terre gelée, toutes les âmes s'éveillent alors aux douceurs retrouvées et se nourrissent à nouveau des jours bénis par les astres. Partout le sourire revient aux hommes qui s'émerveillent des beautés de la nature, enveloppée dans son plus somptueux manteau; sur l'herbe grasse s'étirent les fleurs baignées de la récente rosée, et les plus admirables sont sans aucun doute celles des cerisiers sortis de leur morne hibernation. Ils étendent à cette époque leurs bras majestueux, chargés avec fierté des pétales blancs ou rosés, et leur écorce empreinte de la sagesse des ans s'ouvre à la fraîcheur de la pluie bienfaitrice des crépuscules. Leur magnificence a fait le tour du monde et l'Empire su Soleil Levant est aujourd'hui envahis d'étrangers -toujours plus nombreux- désireux d'admirer leur pureté au moment où l'hiver s'éteint. Mais seuls quelques-uns de ces curieux connaissent l'existence du plus admirable des ces arbres. Il a ses racines ancrées sur l'île d'Hokkaido, non loin de la ville d'Hokodate, à l'entrée des ruines d'un ancien village. On raconte qu'il a l'âge respectable des cimes enneigées qui l'entourent, mais il pourrait paraître tout à fait ordinaire, si l'on ne prêtait pas quelque attention à son histoire, et surtout si l'on oubliait de guetter sa floraison. Ses fleurs sont en effet bleues bordées de blanc, un bleu aussi pur que les larmes et profond comme l'océan, protégé par un émail puissant de la force des sentiments qui l'ont bâti. Une ancienne légende se murmure dans ses vénérables branches, que je vais essayer de vous transmettre ici.
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Pour comprendre l'histoire de cet étrange arbre, il vous faut remonter aux temps oubliés de la naissance des quatre îles du Japon -quatre larmes divines- alors que les hommes vivaient encore au milieu de la magie des récits et des traditions. A cette époque où Hokkodate n'existait pas encore, il y avait non loin de ses futures fondations un village appelé Fuyu. Il était habité des personnes les plus communes, des paysans au dur labeur sur leur terre mais aussi des notables issus de famille de sang respectable, et qui coulaient des jours paisibles dans un pays aimé et honoré de ces habitants. C'est dans une de ces familles aisées que naquit un jour gelé du mois de février une jeune fille, au physique extraordinaire dans une région où les hommes avaient la chevelure couleur de cendre et les yeux noirs comme la nuit. La nouvelle arrivée eut au contraire pour don des cheveux pâles comme la neige qui recouvrait la terre au jour de sa naissance et les yeux aussi bleus que la mer refroidie par le vent. Mais le destin prit à cette frêle enfant sa mère à peine délivrée, et son père pleura tellement cette nuit fatale qu'il décida d'appeler sa fille Shizuku, en mémoire de la douleur qui lui offrit cette si fragile beauté. Il chérit plus que tout cette enfant unique, qui eut la jeunesse facile de ceux qui possèdent de précieuses ressources, sans jamais être totalement enfermée dans les prisons qu'impose une trop grande richesse. Elle reçut alors l'éducation admirable que transmet tout nippon à ces enfants, respectueux des traditions et fière des honneurs de ses ancêtres et de sa propre existence.
Sa beauté particulière, qui fut d'abord objet de toutes les curiosités et sur laquelle courraient des regards méfiants, se transforma avec l'âge en un charme indéniable dont la réputation traversa le pays tout entier. Chacun de ses pas raffinés soulevaient doucement la brise de l'éphémère, et ses promenades hivernales la rapprochaient d'une divinité pâle et svelte des mondes imaginaires. Ses yeux d'azur lançaient des regards mystérieux des secrets de la nature, et on pouvait même y admirer la neige tomber, quand les flammes évanescentes caressaient la ligne parfaite des ses paupières endormies. De nombreux hommes essayèrent de conquérir cette beauté exceptionnelle, mais Shizuku ne trouvait en eux que le désir égoïste de posséder un rêve, et les repoussait alors tous avec un refus poli. Ils finissaient souvent pas abandonner leur vaine conquête... Il y en avait un pourtant qui ne cessait d'inventer de nouvelles astuces pour l'approcher et essayer de lui plaire. Il s'agissait d'un des plus puissants propriétaires du village, un homme au coeur dur et sec comme la brise gelée, et qui passait beaucoup trop de temps à s'occuper de ses affaires personnelles. Il venait régulièrement offrir présents et richesses à Shizuku pour obtenir ses faveurs, mais aucune de ses tentatives ne put aboutir. Il pressa même son père à la faire accepter ses requêtes mais celui-ci, trop respectueux de sa fille, ne put pas plus l'amadouer.
Il était inconscient de croire que le coeur de la fille de la neige pourrait s'acheter au pris de cadeaux donnés sans passion. Il faudrait une âme pure et désintéressée pour la conquérir, qui l'aimerait pour ce qu'elle était et non ce qu'elle représentait. Shizuku ne perdait pas l'espoir qu'un jour cet esprit tendre se présenterait, et attendait avec patience qu'il se présenta enfin. Il arriva finalement, un jour où elle pensait l'avoir à jamais enfermé dans ses rêves et ses chimères.
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Voilà pour l'instant